Milan San Remo 2023
(mis en ligne par CR)
Après Liège-Bastogne-Liège la saison passée, je m'attaquais en ce dimanche 4 juin 2023 à un autre monument du cyclisme : Milan San Remo ! La Primavera ! Et moi quand je pense à Milan San Remo, je pense à Laurent Fignon et son merveilleux doublé en 1988 et 1989. Je pense aussi à Jalabert en 1995, à Alaphilippe en 2019, à Bobet en 1951 mais également à Merckx, à Coppi, à Bartali, à Kelly...
309 km pour 2000 m de dénivelé en traversant la Lombardie, le Piémont et la Ligurie, le parcours est essentiellement plat (mais pas que) avec le Colle del Giovo un peu avant les deux tiers de l'itinéraire puis un concentré de difficultés dans les 50 derniers kilomètres avec le Capo Mele, le Capo Cervo, le Capo Berta, la Cipressa et le Poggio.
Sur les lieux depuis l'avant-veille en fin de journée (après 12h de route pour arriver jusque là), j'ai pu me détendre en faisant quelques marches ici et là. Pour autant, le stress était bien présent ! Au-delà de la course en elle-même, j'avais d'autres points de tension et le premier d'entre eux, l'impératif que je devais absolument respecter, était d'être sur le quai de la gare de San Remo au plus tard à 19h22.
Pour cela, je m'étais préparé un tableau avec des temps de passage tous les 50 km que j'avais collé sur le cadre de mon vélo. Ainsi, je saurais régulièrement où j'en serais et pourrais adapter ma vitesse en fonction…
Tout cela n'aurait pas dû être car initialement des bus retour devaient être mis à disposition mais un mois avant la course, l'organisation m'avisa (après l'avoir relancé à plusieurs reprises !) qu'il n'y aurait finalement pas de bus ! Il avait fallu alors que je trouve une solution. Mon organisation fut dès lors la suivante : le samedi en fin d'après midi, j'ai laissé ma voiture dans un parking à 600 m de la gare, place que j'avais réservée au préalable par internet du samedi 17h au lundi 17h (c'était le même prix d'aller jusque-là que si j'allais jusqu'au dimanche 23h45 et ça me permettait d'assurer un peu mes arrières en cas de problème). Je suis ensuite retourné à l'hôtel, distant de 12-13 km, en vélo. Le dimanche matin, je suis allé au départ de la course, distant de 11 km, en vélo. J'ai fait ma course. J'ai pu heureusement attrapé mon train qui m'a laissé à la gare de Milan à 23h10. De là, je suis remonté sur le vélo pour rejoindre le parking puis je suis rentré à l'hôtel un peu avant minuit.
Durant ce séjour, j'ai pu discuter avec des anglais à qui j'ai prêté ma pompe à pied, des italiens, des espagnols, des français, des belges et nous avions tous fait le même constat : organisation catastrophique ! Le coup des bus, c'était le pompon (les anglais m'ont dit que c'était typiquement italien cette légèreté organisationnelle…) mais il n'y a pas eu que ça ! Le premier ravito s'est fait grandement attendre ! Plus loin qu'annoncé, déjà qu'il était loin de base ! D'ailleurs, la qualité des ravitos est à améliorer… Ca faisait d'avantage petite rando cyclotouriste qu'organisation de masse prestigieuse… Le parcours GPX fourni, à plusieurs reprises a dévié par rapport au fléchage sur le terrain !
En plus de cela, mais ça ce n'est pas de la faute des organisateurs, l'état des routes en Lombardie et dans le Piémont est catastrophique ! On se plaint en Sarthe mais c'est du billard à côté… A un moment, dans le peloton, un italien s'est posé la question : c'est Milan San Remo ou Paris-Roubaix ?!!!
Avec tout ça, on pourrait croire que je regrette d'y être allé mais pas du tout ! Tout cela n'est finalement rien à côté du bonheur que l'on a à suivre la trace des champions et de l'Histoire du cyclisme, de la fierté que l'on ressent quand on passe la ligne d'arrivée après être passé dans des endroits mythiques du vélo, après avoir laissé des litres de sueur sur la route, après avoir eu des hauts et des bas, des doutes et des moments d'euphorie !
Quand j'attendais dans mon sas que le départ fut donné, quelqu'un me tapa sur l'épaule : "un sarthois ?" me dit-il. J'étais entouré de 7-8 gars du Mans, de l'US SETRAM exactement ! Le monde est petit !
A 7h20 précises, c'était parti ! La platitude des 150 premiers kilomètres fit qu'il n'y a pas eu de phase de mise en route progressive comme ça peut arriver sur des parcours montagneux (quand on se dit que ce n'est pas au départ que ça va se jouer, qu'il faut en garder…). Non, là, au bout d'un kilomètre , j'étais déjà à 40 km/h ! Très rapidement, on s'est retrouvé à 30-40 dans un rythme qui me convenait très bien. Ma première inquiétude était levée, celle de ne pas trouver de bon groupe ! Ca parlait essentiellement italien mais il y avait des irlandais, des anglais et des français aussi.
Au bout d'une heure, j'avais déjà fait 36 km ! Je devais être au 50e kilomètre à 9h17, j'y étais à 8h43 ! Les jambes tournaient bien, j'étais sagement dans les roues. Les orages annoncés étaient aux abonnés absents, la température était agréable (20-21°C).
A un moment, ça s'est mis à accélérer encore (40-45 km/h !). Là, un papi italien a donné de la voix : "Calmaaaaaa !!!!!" Ca a calmé tout le monde ! C'est qu'il y avait encore de la route à faire et les difficultés restaient encore à passer ! On a adopté une allure de croisière à 33-35 km/h et ça m'allait très bien comme ça !
Il était 10h16 quand je passai le cap des 100 premiers kilomètres, je devais y être à 11h04… 48 minutes d'avance ! 35 de moyenne ! Tout se passait très bien. Enfin presque…
Ce fut à ce moment que le groupe se trompa de route, du côté de Tortona. Comme nous ne pouvions pas nous fier au GPS, on ne s'en est pas rendu compte tout de suite, d'autant qu'on suivait bien des flèches sur le terrain mais… pas celles de Milan San Remo, celles du Tour d'Italie, passé par là quelques semaines plus tôt et qui n'avaient pas encore été enlevées… Un gars s'en était rendu compte et nous avions fait alors demi-tour. 3,7 km pour rien et du temps de perdu…
Le premier ravito devait intervenir au 112e kilomètre, il fallu attendre le 125e (-3,7 sans l'erreur de parcours). Comme toujours, le ravito c'est la désorganisation du groupe initial : il y en a qui passent le weekend au ravito, d'autres qui s'arrêtent à peine… Bref, c'est reparti en ordre dispersé. Heureusement, je ne mis pas longtemps à retomber dans un nouveau groupe, beaucoup plus modeste (7-8) mais qui roulait comme il fallait pour moi.
Il était 12h02 quand je passai les 150 kilomètres. Toujours autour de 35 de moyenne et 49 minutes d'avance sur mon tableau de marche. Mais une nouvelle fois, un peu de temps allait être perdu avec un nouvelle erreur de parcours dans Acqui Terme. Le préjudice était cela dit moins important (environ 1 km).
La route n'était alors plus plate, ce n'était pas de gros pourcentages mais on sentait bien que ça montait doucement mais sûrement. L'allure diminua mécaniquement. Dans mes écouteurs, toutes les 10 minutes, j'entendais l'annonce de ma vitesse moyenne et invariablement, à partir de cet instant, elle ne fit que décroître… Le décors changea également, au revoir les paysages de plaine ! La route cheminait au milieu du relief. La météo changea aussi. Alors qu'il commençait à faire chaud (27-28 °C) après Acqui Terme, les nuages qui s'accumulaient firent descendre, pour mon plus grand bonheur, la température. Durant la montée du Colle del Giovo, il tomba même quelques gouttes durant 5 minutes. Un peu plus haut, un coup de tonnerre résonna au loin, ce serait le seul…
Il faisait à présent 18-19 °C mais moi, je connaissais mon premier coup de moins bien ! Je n'ai pas digéré la transition gros braquet dans la plaine - petit braquet à présent. Je regardais mon compteur : 8-9 km/h, pas plus ! Tic, tac, tic tac, le temps passait et moi, j'étais scotché à la route ! Je n'étais pas le seul dans ce cas mais chacun faisait comme il pouvait, il n'était alors plus question de groupe, c'était chacun pour soi...
Le cap des 200 km était franchi à 14h07 au lieu de 14h38, je n'avais plus que 31 minutes d'avance. J'arrivai alors sur le bord de mer à Albissola. Et là, panique ! Une circulation infernale ! Des bouchons en veux-tu, en voilà ! Des piétons qui traversent sans regarder ! Des voitures qui déboitent sans prévenir ou te coupent la route ! Et le vent n'était pas vraiment favorable, et j'étais tout seul ! D'un autre côté, dans un groupe avec cette circulation, cela aurait été encore plus dangereux…
Je ne compte plus les coups de frein, les relances énergivores, les petits taquets l'air de rien qui te cassent les jambes.
Le second ravito intervint au 222e kilomètre (kilomètres en trop compris) et il était 15h00. Je devais y être à 15h03 mais entre les erreurs de parcours et le placement des ravitos qui n'est visiblement pas super fiable, je commençai à être un peu perdu et inquiet pour mon train…
Je pris malgré tout le temps de m'arrêter car j'avais besoin de faire le plein de mes bidons (j'étais à sec) et je n'étais pas contre un peu de solide également.
La partie "facile" du bord de mer prenait fin vers le 250e kilomètre où j'arrivai à 16h13 mais en réalité avec les erreurs de parcours, ce 250e kilomètre compteur n'était en fait que le 245e kilomètre parcours. Donc, c'est à 16h25 que je franchissais le 250e kilomètre parcours et je n'avais plus la moindre marge ! C'est ce genre de calcul que je faisais dans ma tête alors que mes jambes, elles, s'occupaient de me faire avancer le plus vite possible.
Entre le 250e et 280e kilomètre, il fallait affronter les capi ! Le capo Mele, le capo Cervo et le capo Berta mais également juste avant un autre capo non référencé mais qui casse bien les jambes entre Albenga et Alassio ! Je connus mon second coup de moins bien dans le capo Berta. Je crois que c'était les plus gros pourcentages de la journée, du mois, c'est comme ça que je l'ai vécu… J'étais avec un gars au pied, j'ai été incapable de le suivre… Encore une fois, scotché sur la route !
Au sommet, il y avait un dernier ravito. Je devais y être à 17h05, il était 17h35 ! Là, ce fut la grosse panique ! Je commençai à me demander comment j'allais faire en loupant le train… Mais, je me suis ressaisi et la réponse je l'ai apportée sur la route !
Il restait 35 km avec au menu la Cipressa et le Poggio. Je suis allé chercher une énergie de je ne sais où mais c'était reparti ! Sur le plat, dans la circulation, je filais à 30-34 km/h, je fulminais à chaque bouchon, chaque ralentissement, me faufilais entre les files de voitures.
Et la Cipressa se présenta sous mes roues ! 5,5 km de montée effectués à toute allure et sur la plaque ! J'ai rattrapé 5-6 gars là dedans. Au sommet, j'ai basculé dans la descente aussi vite que je pouvais.
Puis un peu moins de 10 km de plat où je n'ai pas arrêté de relancer pour atteindre le pied du Poggio où une file de voitures m'en barrait l'accès ! Je me suis faufilé et ai débuté la montée quasiment à l'arrêt ! J'ai jeté toutes mes dernières forces, j'ai encore remonté 3-4 gars là-dedans. J'ai passé le secteur des serres (le passage le plus pentu) en force puis j'ai aperçu la cabine téléphonique, repère du sommet. Il était 18h58, mon train partait dans 25 minutes, il me restait 5 km essentiellement en descente.
Dans la descente, fait rarissime pour moi, j'ai encore doublé des gars ! En bas, il restait 2 km ! J'ai appuyé fort sur les pédales ! Encore de la circulation, jusqu'au dernier moment !
J'ai vu les cabineri qui me montraient le chemin, la ligne d'arrivée, enfin !
Sitôt passée la ligne, on m'a donné ma médaille de Finisher puis on m'a montré la direction de la pasta party… J'ai répondu, tout en faisant demi-tour : "non, j'ai un train à prendre !".
Je suis arrivé sur le quai de la gare 10 minutes avant l'heure fatidique ! Ces 10 minutes-là, je suis allé les chercher dans la Cipressa et le Poggio et je n'en suis pas peu fier !
Que de souvenirs à présent mais il va falloir vite passer à autre chose car dans 15 jours, direction l'Ardéchoise ! 179 km et 3200m de dénivelé. Histoire de reprendre le coup de pédale du grimpeur car 3 semaines plus tard, ce sera l'Etape du Tour ! Encore une sacrée aventure à vivre !
Vivement la prochaine !
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